Cet artiste plasticien, membre de l’école de Nice, et passionné de jazz s’est éteint à l’âge de 92 ans. Il a été l’ un de nos colotis pendant de longues années et un ami.
Bernard TARIDE a rejoint les étoiles en juillet 2022.
Mon petit article écrit en 2019 lui avait bien plu : « Miroir…mon beau Miroir »…….Il vous permettra de le découvrir

Les rencontres sont parfois étonnantes. Tout près de chez moi, je croisais souvent un homme au regard malicieux et tout sourire. Les mots aimables échangés par çi par là, toujours agréable et souvent plein d’humour auraient du m’interpeller plus tôt. Mais si l’homme est affable, il est aussi discret.
On a beau courir d’expos en expos, s’intéresser aux artistes et qui plus est à ceux de notre région, visiter les galeries, il est assez surprenant de découvrir que son voisin n’est autre que le talentueux sculpteur Bernard TARIDE, Artiste plasticien reconnu de l’Ecole de Nice et membre de l’association START.
Discret disais-je ? oui mais aussi ravi et amusé de me voir le découvrir …. !
Je connaissais ses œuvres souvent exposées dans notre région mais l’Artiste….dans son antre… voilà qui est une vraie découverte.

La Mer – 2007
H 122 cm x L 145 cm
miroir, bois, pvc
Il m’a invité dans son univers où depuis quarante ans il coupait, cassait, séparait, recollait des plaques de miroir, y associant de la corde, du métal ou du bois.
Il compose des assemblages insolites et esthétiques, pour en faire des sculptures qui nous surprennent et nous interpellent.
Surprendre ! c’est bien le cas, ce n’est pas moi qui regarde le tableau, c’est lui qui me regarde…On ne peut plus déstabilisant. Voilà qui aurait beaucoup plu à Marcel Duchamp.
De tableau en sculpture, je suis observée par des personnes tantôt moqueuses ou sérieuses qui ont l’air très étonnées de ma visite. Les titres judicieusement choisis sont autant de prétextes pour sourire et réfléchir.

L’immaculée compression – 2012
H 33 cm x L 56 cm x L 33 cm
miroir, métal

Le tout à l’ego – 2007
H 122 cm x L 145 cm
miroir, bois, pvc
Près de 500 œuvres ludiques répertoriées depuis ces débuts….qui ont été exposées à Nice, Monaco, Cannes, Saint Paul, Paris, Lyon, Pusan, Brême, Budapest, Tokyo, New York .
Je vous présente un Artiste déconcertant, un sculpteur de reflets, un manipulateur de miroirs…et de mots qui aime les défis, la provocation et l’illogisme.
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Bernard TARIDE, Né au Maroc, vit et travaille à Nice.
Dans sa jeunesse, il était déjà amateur d’art et de musique.
Cette musique que la génération d’après guerre découvre avec les soldats américains, le jazz. Il s’intéresse à tout et même aux revues techniques sur l’aviation. Ce terreau fertile éveille son esprit.
Il aime à se démarquer de la voie toute tracée que son père aimerait le voir suivre, dans le monde du commerce. Le jeune Bernard veut s’affirmer autrement. En parallèle et par esprit de contestation, iI dessine et peint, se laisse un peu influencer par des artistes comme Nicolas de Staël ou Poliakoff, puis change de direction.
Il fréquente les artistes niçois, Sosno, Farhi, Arman puis Serge III, Max Cartier…
En 1974, dans une démarche originale il plante une accumulation de clous sur du bois qui deviennent pour lui la partie vivante de son tableau sur fond noir ténébreux ou blanc immaculé, à l’image de la touffe d’herbe que l’on découvre parfois au milieu du béton. Mais le geste est trop naturel, trop logique, le bois et les clous font « bon ménage ». Il cherche le contraste et l’incompatibilité.

1974 instinct grégaire H49 L98
Quatre ans plus tard, l’introduction du miroir dans ces œuvres cloutées est la « porte » vers l’ailleurs, vers un autre monde où le spectateur fait lui-même partie du tableau.
Jouer des contrastes qui font la vie comme la dureté et la fragilité ou le respect et l’irrévérence

1979 passage clouté
Suivent d’autres réalisations, tableaux et sculptures qui révèlent un face à face identitaire judicieusement présenté, ambigu et dérangeant pour celui qui regarde.
Alors que depuis des siècles, les artistes réinterprètent le monde au travers leurs œuvres , Bernard Taride veut la réciprocité entre son œuvre et le spectateur.
Par le miroir, il réintègre « le regardant » dans l’œuvre, provocant ainsi un échange avec son propre reflet transformé par les différents plans de l’œuvre.

Légitime défonce – photo @ Béatrice Heyligers

Séparation à l’amiable – 1985
H 98 cm x L 58 cm
miroir, bois, hache
Cette séparation amiable était-elle annonciatrice du sculpteur qui sommeille en lui ?

Ne coupez pas – 1994
H 26 cm x L 320 cm x L 210 cm
miroir, téléphone, bois

Prise d’otage – 1995
H 53 cm x L 66 cm
miroir, étau

Affinités électives – 2002
H 72 cm x L 56 cm x L 38 cm
miroir, bois, boulons
D’où vient cet esprit mutin ?
Je retrouve en lui un côté espiègle et « Dadaïste ». Ce mouvement intellectuel, littéraire et artistique appelé plus communément « DADA » qui a pris naissance à Zurich, pendant la première guerre mondiale et se caractérise par la remise en cause de toutes les contraintes, qu’elles soient politiques, idéologiques ou esthétiques.
Les artistes Dadaïstes cherchaient une totale liberté d’expression, en utilisant tout type de support et de matériau. Ils voulaient provoquer et amener le spectateur à réfléchir.
Bernard Taride apprécie particulièrement Kurt Schwitters qui incarna l’esprit dada à Hanovre et qui avait tourné le dos au figuratif dès 1918 se composant une palette très personnelle avec toutes sortes de détritus provenant de décharges publiques qui devinrent d’admirables compositions en couleurs et volumes.
Kurt Schwitters – Merzbild – Rossfett (1919)
Tous types de supports et de matériaux….des objets qui deviennent des œuvres d’art entre des mains expertes et avec l’esprit d’artiste. Mais l’objet banal, retouché et transformé prendra une autre signification avec le Nouveau réalisme, le Pop Art.
Père spirituel de toute une génération d’artistes, Marcel Duchamp a remis en question un bon nombre de certitudes. Ne disait-il pas « ce sont les regardeurs qui font les tableaux » ?

la pelle
Marcel Duchamp (1887 – 1968)
A n’en pas douter, Bernard Taride est de la même veine que Duchamp et son « Hommage à Marcel » tout à fait parlant.

Nouveau Réaliste et Constructiviste :
Adepte du Nouveau réalisme fondé par le peintre Yves Klein et le critique Restany,
Bernard admire aussi le travail d’Alexandre Mikhaïlovitch Rodtchenko, à la fois peintre, sculpteur, photographe et designer , l’un des fondateurs du constructivisme russe appelé aussi «productivisme»,.
Rodtchenko voulait stimuler les gens à travers des œuvres simples qui cassaient la routine quotidienne des affiches, photomontages, etc. C’est ainsi qu’il pensa que l’art pourrait éventuellement stimuler les gens à travers des œuvres simples mais qui cassaient la routine quotidienne
Rodtchenko – Bcem – 1923
Ceci n’est pas sans rappeler les revues des G.I. Américains sur l’aviation que Bernard Taride adorait dans sa jeunesse.

Rodtchenko – Maïakovski – Publicité tétines – 1923
Les Constructivistes russes pratiquent l’abstraction géométrique de carrés, de triangles et de cercles, impliquant une technique moderne à partir des méthodes de reproduction industrielle.
Ce nouveau courant veut supprimer l’élitisme de l’art pour le rendre plus populaire.

Lissitzky – Affiche – 1920 – Avec un coin rouge enfonçons les blancs
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Bernard TARIDE, Membre l’association Start depuis 2003 et Artiste incontesté de l’Ecole de Nice* depuis 2010.
Il a participé à de nombreuses expositions collectives dans le monde entier aux côtés de ceux qu’il a côtoyé tout au long de ces années (Arman, César, Sosno, Farhi, Serge III, Max Cartier ….).
nota : * « les nouveaux réalistes » et « l’École de Nice » tels que Yves Klein, Arman, Ben, César, Raysse, Claude, Gilli, Chubac, Fahri
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L’élément essentiel des œuvres de Bernard Taride reste le miroir.
Dans plusieurs religions, le miroir est magique ou sacré, mais pour nous, n’est-ce pas avant tout lié à ce besoin de nous regarder ?
Pour lui, c’est le symbole d’une porte vers un autre monde, comme dans Alice au pays des merveilles.

Le cauchemar d’Alice – 1990
H 180 cm x L 290 cm
altuglas, bois
Le mythe de Narcisse perdure :
Egalement Photographe, Bernard TARIDE en Avril 2014 a participé à l’exposition photos, présentée par Frédéric Altmann et Jean-Paul Fouques à La Menuiserie Galerie de NiceGalerie
Remettre en lumière ces photographes des années 60/70 de la Côte d’Azur qui ont immortalisé des moments privilégiés, partagés avec leurs amis artistes au fil des jours, Nouveaux réalistes et de l’Ecole de Nice qui ont atteint la célèbrité.

AFFICHE de la Galerie « la MENUISERIE »
C’est pour Bernard Taride, une magnifique occasion d’exposer ses portraits crashés de César, Arman, Jacques Villeglé, Raymond Hains… et même de Vincent Van Gogh

Arman – 2001
H 52 cm x L 42 cm
miroir, papier, bois, métal
De la finesse d’esprit et de l’humour
J’aime la phrase de BEN le concernant, « Taride le Magnifique est lucide, peut être un peu timide et acide … »
Il fait interagir l’image reflétée et le spectateur, appuyé en cela par un choix malicieux de titres qu’il donne à ses œuvres.
Il joue avec les mots

La passion selon Saint Gobain – 1989
H 146 cm x L 190 cm
miroir, bois

La corde pour s’éprendre – 2011
H 71 cm x L 44 cm
miroir, bois, corde
Avec les MOTS DITS,
son amour pour la musique, pour l’Art, pour l’humour……se lit :

Arrimage – 2006
H 72 cm x L 92 cm
miroir, bois, pvc

Blue Note – 2007
H 140 cm x L 168 cm
miroir, bois, pvc
Bernard Taride guette nos réactions, nous provoque et révèle d’autres aspects de nous face aux autres ou à l’image que son œuvre nous renvoie. Pour lui son travail est une thérapie visuelle, destinée à stimuler l’imagination et les rêveurs.
Un travail de réflexion extrême sous une apparente légèreté.

Et pour finir….TARIDE l’épicurien a rejoint quelques uns de ses amis dans une présentation originale de leurs œuvres en partenariat avec le Domaine Saint Jean – les vins de Bellet. Produits dérivés





Bernard TARIDE J.M. FONDACARO Rachèle RIVIÈRE Mane PHÉLY Patrick MOYA

site WEB : Bernard TARIDE http://www.bernardtaride.fr